Mots à un suicidé

Mon portable sonne

Ca me rappelle janvier 2002.
Mon premier portable, un Nokia 3310 , l’époque où on savait faire de bons portables. Le genre qui ne se casse pas à la première éraflure. Ma mère était contre. Mon père était pour. Je pense sérieusement que mon père a du négocié ça au lit avec elle. Et au final, je l’avais eu, mon portable.
On ne se connaissait pas tout à fait très bien. Tu as pris mon numéro, je n’ai jamais su chez qui ni comment. Je recevais trois appels anonyme par jour. "Appel inconnu". Je ne savais pas que c’était toi.
Au lieu de raccrocher, j’écoutais. J’écoutais la musique que tu me passais. J’écoutais le bruit de ta respiration. J’écoutais friends sur France 2. J’écoutais tes virées nocturnes. J’écoutais le petit déjeuner. Le dîner. Je t’écoutais toi, ta façon de me parler de toi, de te rapprocher de moi. Et, dans la folie de mes 13 ans, j’aimais ça. J’aimais l’inconnu. J’aimais ce numéro "inconnu"

Et puis un jour, ce texto, ce texto qui a inauguré la rentrée 2003. Je m’en rappellerai toute ma vie de ce texto.
"Retourne toi. l’Anonyme" Le professeur d’Histoire s’était saisi de mon portable et avait lu le message à haute voix… Tout le monde s’était retourné. Et toi, tu souriais.
Une heure de colle. Dix ans de textos.